Goethe - Les souffrances du jeune Werther.
"En 1774, à Leipzig, à l'occasion de la foire d'automne, le libraire Weygand publiait un mince roman par lettres de cent cinquante pages. Titre: Les Souffrances du jeune Werther. Pas de nom d'auteur. Les autorités locales, alertées, constatent que cet ouvrage fait l'apologie du suicide, qu'il est immoral; elles en interdisent la vente. Vaine précaution. Peut-être même le scandale et l'interdiction contribuent-ils au succès initial de l'ouvrage, à sa rapide et bientôt prodigieuse diffusion. On apprend que l'auteur est un jeune avocat de vingt-cinq ans, le Dr Goethe de Francfort. Ce nom devient universellement célèbre.
La publication de Werther est un événement, au-delà même de la seule histoire littéraire. C'est une date de la civilisation européenne".
Werther... c'est la prémonition d'un jeune homme surdoué...
Werther... c'est la création d'un mythe... d'une tempête vertigineuse...
Werther... c'est le tourment poussé jusqu'à l'excès, le sentiment dans toute sa puissance destructrice...
Deux versions: celle du jeune Stürmer (précision pour Aude: non pas dans le sens d'appartenance au mouvement, mais en tant que tonalité esthétique... et surtout en comparaison à ce qu'en fera Goethe lui-même, par la suite), emphatique... puis la réédition plus "rationnelle", "réaliste"...
Aucune objectivité de ma part lorsqu'il faut parler de cet écrivain... Ses lieder, pièces de théâtre, son conte philosophique: Das Märchen (traduit en français sous le titre du Serpent vert ), son autobiographie Dichtung und Wahrheit... Ce fut un véritable "événement européen" (pour reprendre les termes de Nietzsche)...
Concernant le texte... Il est nécessaire de le lire dans sa langue d'origine pour percevoir toute sa subtilité ( il y a tout de même de bonnes traductions pour les non-germanistes).
Les différents thèmes abordés sont relatifs au contexte (et là on ne peut faire économie d'un certain rapport biographique, même si l'aspect hyperbolique est certain: Goethe a vécu lui-même les souffrances de Werther, ou du moins les a-t-il pressenties à travers une situation analogue... à l'exception du final qui, pour sa part, lui fut inspiré par la vie d'une de ses connaissances, un certain Karl Wilhelm Jerusalem qui, suite à un semblable chagrin d'amour, s'est logé une balle dans la tête, en usant d'une arme prise au mari de l'aimée); ainsi qu'aux préoccupations des pré-romantiques (puis romantiques), à savoir un rapport fusionnel avec la nature, la passion de l'art... mais surtout la souveraineté du sentiment, et sa puissance destructrice.
Bien que cela puisse paraître mièvre ou exagéré pour certains, il est remarquable que le jeune Goethe ait déjà une forte identité (qui motivera l'estime de tout un siècle, à l'instar d'un Byron)... et ce n'est pas pour rien qu'il déclencha une étonnante vague de suicides... Goethe en dira lui-même:"L'effet de ce petit livre fut grand, monstrueux même, mais surtout parce qu'il est arrivé au bon moment".
A l'encontre des règles et moeurs bourgeoises, le personnage de Werther est le signe d'une fièvre...
"Aucun prodige de la puissance magique que les anciens attribuaient à la musique ne me paraît maintenant invraisemblable: ce simple chant a sur moi tant de puissance! Et comme elle sait me le faire entendre à propos, dans des moments où je serais homme à me tirer une balle dans la tête! Alors l'égarement et les ténèbres de mon âme se dissipent, et je respire de nouveau plus librement".